[SOFIA] Tomber dans le piège

Reconnaître les différentes expressions et autres manifestations de sentiments, était devenue une habitude, presque un réflexe chez Jacob Lannister. La mimique de Sofia ne passa donc pas inaperçue. Ce n’était pas la première fois qu’il observait une telle manifestation de rejet vis-à-vis de sa relation sentimentale. « L’amour n’est-il pas censé être éternel ? A moins qu’on ne dise qu’il est préférable d’entretenir la flamme sous peine de la voir se consumer » lui répondit-il avec une certaine ironie. Sofia était un des rares exemples de situations amoureuses « stables » et Jacob se désespérait de temps en temps, de la voir engluée dans une romance qui ne rimait à rien. Sa meilleure amie était une adulte, il n’avait pas à se mêler de cette histoire mais parfois, l’envie ne lui manquait pas. En tant qu’ami puis en tant que meilleur ami, n’était-il pas dans son devoir de veiller au bonheur de Sofia ? Hélas, cette tête de mule trouverait très vite des arguments pour contre les siens, le principal étant : cette mystérieuse dette. Jacob n’avait jamais posé de question à son amie car il détestait l’idée qu’elle puisse s’imaginer qu’il la psychanalysait. C’était bien souvent une crainte parmi ses proches : se confier à lui, de peur qu’il n’agisse comme un psy et non un être humain lambda. Néanmoins, elle n’avait pas eu besoin de grands mots pour qu’il comprenne que ce qui la retenait auprès de Karen, n’était ni plus ni moins qu’un sentiment de gratitude ainsi que le fardeau d’être redevable.

A la place, il la lança sur un sujet moins personnel : la fameuse russe qu’elle avait imité pour lui jouer un de ces tours qu’elle affectionnait tant. Sofia ne perdit pas de temps pour lui conter par le menu ses aventures et il l’écouta attentivement, un sourire étirant ses lèvres. Elle était passionnée par son travail, cela se sentait au travers de ses mots, de ses intonations. Sofia était complétement habitée par son boulot et nul doute que cela devait être également un sujet de tension entre les deux femmes. « Eh bien, je suis presque jaloux de ton quotidien. Je n’ai eu le droit qu’à des patients tous plus ordinaires les uns que les autres » lui répondit-il. Jacob eut une pensée très rapide pour Ellie car son cas n’était véritablement pas comme les autres. Or, pour un professionnel s’étant spécialisé sur les syndromes post-traumatiques, ce genre de cas était une véritable aubaine professionnelle. Puis, au-delà de l’aspect très lisse de leur rapport patient/thérapeute, il devinait une femme intéressante. D’ailleurs, le psychologue tiqua au prénom Jeremiah. Il l’avait déjà entendu quelque part avant de se souvenir que c’était justement auprès d’Ellie. Il ne chercha pas à en comprendre davantage, des Jeremiah, il devait en exister une centaine à la Nouvelle-Orléans. « Alors si ce restaurant est plus que conseillé, nous aurions tord de nous en priver. En plus, j’aime découvrir de nouvelles saveurs et cela fait un moment que je n’ai pas mangé italien » s’exclamait-il d’une voix vibrante de gourmandise. Jacob se releva et plongea les mains dans les poches de son pantalon. « On y va quand tu es prête. Penses-tu qu’on devrait réserver une table ? Si c’est si bon, on risque de se faire refouler à l’entrée » s’inquiétait-il de manquer un bon repas.

@Sofia Garrison

( Pando )

« L’amour éternel ? hmmm. Moi j’appelle ça l’amour à perpétuité… Déformation professionnelle sans doute » tentais-je de plaisanter, faisant par la même comprendre à mon ami que concernant Karen, il y avait bien longtemps que j’avais perdu espoir de l’associer à un amour passionnel et indéfectible. « Ce que je veux dire c’est que des fois où on oublie que l’amour n’est pas qu’un chemin rempli de pétale de rose. Il est semé de concession, sacrifice, et… sentiment de ne pas mériter mieux que ce qu’on a…ou d’avoir que ce qu’on mérite justement. » j’haussais les épaules pour conclure mes propos et changeait de sujet en évoquant la jeune russe et sa déposition. De quoi faire envier mon ami apparemment, qui se disait peu chanceux en matière d’originalité avec ces patients. A sa remarque, je relevais la tête de mon dossier, pour fixer Jake, les yeux ronds comme des billes avant de lui répondre : « Ordinaires ??? parce que tu oses dire que ton job a quelque chose de planplan ? » Selon moi – et même si je ne le reconnaissais que très peu – des psy comme Jacob était de ceux à respecter le plus…le syndrome post-traumatique ne devait pas être pris à la légère.  Dans mon histoire, il y a une partie de ma vie que je n’évoque jamais, mais la prise de risque dans notre métier - même si essentielle – peut parfois vous couter beaucoup et changer toute votre vie. J’ai vu des collègues sombrer dans l’alcool, la dépression, et la violence. Pour ma part, mon histoire se résume à une balle reçue en pleine intervention, une hospitalisation agitée, une psychanalyse conseillée que j’ai ignoré, des nuits et des nuits de cauchemars, et une envie de chasser cette phase de mon esprit pour me concentrer sur la seule personne qui compte aujourd'hui pour moi. Ma sœur. C’est finalement elle qui m’a permis de ne pas sombrer, mais je reconnais qu’un psy du genre de Jacob aurait pu m’aider plus rapidement à l’époque…

Finalement, c’est l’appel de l’estomac qui me poussa à accelérer le rythme pour la déposition de la russe, et sous les conseils de Jacob, je pianotais sur mon ordinateur pour noter le nom et le numéro de téléphone du restaurant en ville. « T’as raison, je vais voir si y’a possibilité de réserver. Au pire des cas, on ira étancher notre peine dans un bar de la ville devant quelques tacos ! » m’amusais-je à dire bien que je préférerais manger plutôt que grignoter ce soir…ça signifierait rentré plus tôt et je n’en avais clairement pas envie.

5 à 10 minutes plus tard, je me relevais de ma chaise, téléphone portable en main, prête à appeler le restaurant. « C’est bon pour moi, Lannister. C’est bouclé, on va pouvoir aller manger…. J’appelle le resto pour savoir si c’est Okay pour ce soir »  Je contournais bon bureau, récupérais ma veste sur le porte-manteau non loin, espérant que cette veste ne dénoterait pas trop avec la tenue un peu plus habillé que je portais à cause de ma précédente intervention sous couverture. Après mon appel, j’annonçais la couleur : « Bon, si on est okay pour patienter un peu, la gérante peut nous assurer une table pour deux dans une petite heure » j’avais spécifié avoir été conseiller par Jeremiah Thompson, ce qui avait sans doute aidé à faire pencher la balance « Ce qui est marrant c’est qu’en contrepartie, elle vient de me proposer d’aller tester le FinMcCool comme bar, pour profiter au mieux de notre soirée en attendant » c’est assez marrant de voir comment, d’un établissement à un autre, on peut encore trouvé des gens qui nous oriente vers des pseudos concurrents. Quoique là, il s’agit d’un bar et d’un restaurant, deux opposés. « Tu crois que je devrais mener une enquête pour m’assurer qu’il n’y a pas de pacte frauduleux ? promotions officieuses ? » plaisantais-je, avant de prendre passer mon bras sous celui de Jabob, mon cavalier du soir !

( Pando )

Jacob méditait les paroles de sa meilleure amie concernant l’amour. Elle avait une façon un peu cynique de peindre le portrait d’un sentiment que bon nombre d’êtres humains recherchent parfois en vain. « Mériter ce que l’on a ? Je trouve cela un peu triste pas toi ? A t’écouter, parfois l’amour serait une prison dont on ne peut en sortir même pour bonne conduite si tu me permets de prendre des mots alloués à ta profession. Est-ce ainsi que tu ressens ta relation avec Karen ? » voulut-il savoir. Jacob devait parfois marcher sur des œufs avec ses proches afin que ces derniers ne s’imaginent pas, allongés sur son canapé. On pouvait largement parler de déformation professionnelle dans son cas. Néanmoins les deux amis changèrent de sujet, amenant le thérapeute à maudire le caractère journalier de sa profession. C’est avec un léger rire qu’il accueillit la protestation de son amie. « Je ne dirais pas planplan, il m’arrive de tomber sur des cas intéressants. Je parle bien plus à un niveau d’action. Mon travail consiste à prêter une oreille attentive à mes patients et si je ne faisais pas un peu de sport à côté, je crains fort que je serais déjà devenu bedonnant à force d’être assis derrière mon bureau. Toutefois, je ne changerai de métier pour rien au monde. Tu connais ma passion quant à mon sujet d’études » lui dit-il pour la rassurer. Jacob n’avait pas l’intention de courir après l’adrénaline sous prétexte de mettre un peu de piment à son quotidien. Il n’avait pas besoin de ça étant donné que chaque rencontre pouvait l’entrainer à sa perte.

L’appel du ventre étant imparable, ils oublièrent très vite tout le reste pour se préoccuper à trouver un lieu pour les accueillir. Sofia lui parlât d’un restaurant italien, ce qui ne manqua pas d’aiguiser sa curiosité ainsi que sa faim. Le restaurant étant prisé, une petite attente s’imposa à eux mais Sofia lui proposa un plan dans un bar. « Je n’ai absolument rien contre d’attendre dans ce bar. Ce sera toujours une occasion de tester un autre établissement » lui dit-il avec un sourire charmant tandis qu’elle glissait son bras sous le sien. « Nous mènerons notre enquête sur place. Ce soir, nous travaillerons sous couverture et je serais ton partenaire pour la soirée. Un peu comme un consultant de choc. Qu’est-ce que tu en penses ? » lui demandait-il sur le ton de la plaisanterie tandis qu’ils quittaient le commissariat. « Dis moi, ce Jeremiah, il a un nom de famille ? »l’interrogeait-il car il ne pouvait empêcher son esprit de revenir à la charge.

@Sofia Garrison

( Pando )